Marcelle : Allez tu me racontes ce que tu m’as dit tout à l’heure, bon attends, tu m’as dit Grand-père était un très bon horloger.
Tante Marguerite : Très bon horloger, on disait à Genève « si c’est lui qui arrange votre montre vous pouvez être content ! ». Il a été dix ans à l’école d’horlogerie.
Marcelle : A quelle école ? A Genève ?
Tante Marguerite : Oui, on descend le pont et on se trouve en vue d’un groupe de maisons et il y a dessus « Ecole d’horlogerie ». Il paraît qu’il a été dix ans comme bon élève, bon professeur.
Marcelle : A Genève ?
Tante Marguerite : A Genève.
Marcelle : Ah bon, je savais pas tout ça.
Tante Marguerite : Oui, très très bon, les autres disaient il n’y avait rien à faire après lui.
Marcelle : Alors c’est à cet endroit-là que Grand-mère et lui se sont connus.
Tante Marguerite : Oui parce que Grand-mère était avec sa tante un peu plus loin, de l’autre côté de la rue, ils avaient un bazar, Maman m’a fait voir ce bazar, mais elle m’a pas parlé du temps.
Marcelle : Tu sais pas combien d’années ?
Tante Marguerite : Non.
Le dialogue ci-dessous est une interview que ma grand-mère Marcelle DONAT-MAGNIN a réalisée auprès de sa tante, Marguerite DONAT-MAGNIN, religieuse que je vous avais évoquée dans mon précédent article sur sa mère Valérie BEGUELIN épouse de Charles Honoré DONAT-MAGNIN. C’est Charles qui est ici le sujet de conversation des deux femmes. Cette interview date du 25 mars 1987, ma grand-mère Marcelle a 70 ans et Tante Marguerite doit avoir pas moins de 100 ans ! Quant à moi, je naîtrai 5 mois plus tard !
Je pense que ma grand-mère avait une conscience généalogique et a voulu recueillir les propos de sa vieille tante pour la postérité grâce à un magnétophone qu’elle possédait. J’ai eu la chance de tomber sur la cassette audio de nombreuses années plus tard (au milieu des cassettes de Charles Trenet de ma grand-mère) et ainsi pouvoir vous la retranscrire ici !
Evidemment, après avoir écouté cet échange, j’ai contacté l’Ecole d’Horlogerie de Genève pour leur demander s’ils avaient des archives sur Charles. Je n’ai pas eu de réponse à ce jour…
Charles est originaire du village de Mont-Saxonnex en Haute-Savoie où il est né le 31 mars 1844 du mariage de Joseph DONAT-MAGNIN et Isidoraz CACHOZ. Il y a quelques années, nous sommes allées ma soeur et moi à Mont-Saxonnex sur les traces des DONAT-MAGNIN et nous avons pu voir l’acte de naissance de Charles à la mairie de Mont-Saxonnex, nous avons noté ses ancêtres, mais sans prendre en photographie les actes ! Je n’ai pas eu le réflexe à l’époque !
Comme Tante Marguerite le raconte, Charles et Valérie BEGUELIN se sont donc connus à Genève où ils se sont mariés. J’ai pu retrouver leur acte de mariage le 17 juin 1876 grâce aux Archives de Genève en ligne.
Je ne connais pas le lieu ni la date de décès de Charles, qui se situe entre 1916 (date du mariage de Marcel, son fils) et 1936 date à laquelle Valérie écrit une lettre à ma grand-mère (objet de mon article de la semaine dernière) où je comprends qu’elle vit seule avec sa fille Esther. Peut-être est-il enterré avec Valérie dans le petit cimetière de Mont Pélerin qui domine le lac Léman ? Peut-être est-il enterré avec ses ancêtres à Mont-Saxonnex ? Le cimetière y est rempli de tombes au nom des DONAT-MAGNIN.
Voilà ce que j’ai pu retrouver sur Charles DONAT-MAGNIN. La suite de la conversation entre Marcelle et Tante Marguerite ne le concerne plus directement mais renseigne sur sa famille, et se termine d’ailleurs assez dramatiquement pour la généalogiste que je suis !
Marcelle : Mon père c’est l’aîné ?
Tante Marguerite : Ton père c’est l’aîné, je crois qu’il avait aussi un autre frère mais on en a pas beaucoup parlé.
Marcelle : Qui était la plus jeune ? T’avais une sœur plus jeune, Yolande ?
Tante Marguerite : On était quatre, le frère, Marcel, Esther, Marguerite, et Yolande.
Marcelle : Mais Yolande elle est décédée jeune.
Tante Marguerite : Oui Yolande est décédée jeune, malheureusement.
Marcelle : Bon qu’est-ce que je voulais savoir encore, attends, je croyais que mon Grand-père était né en Haute-Savoie ?
Tante Marguerite : Peut-être.
Marcelle : A Mont Saxonnex, c’est mon père qui est né à Mont Saxonnex.
Tante Marguerite : Il y est mais pas de naissance, c’est son point d’origine, Mont Saxonnex.
Marcelle : Bon, mais mon père n’est pas né au Mont Saxonnex ?
Tante Marguerite : Je ne sais pas.
Marcelle : Parce qu’il faut que je fasse une carte d’identité, il faut que je donne la date de naissance de mon père.
Ma grand-mère parle ici de son père, Marcel DONAT-MAGNIN, qui a fait l’objet de mon article n°3 du challenge 52 Ancestors in 52 Weeks et qui est décédé alors qu’elle avait seulement 3 ans. Ce fut quand-même une surprise pour moi de découvrir qu’elle ne connaissait pas la date de naissance de son père !
Tante Marguerite : Alors un jour j’avais aussi des difficultés pour avoir un papier, quand j’étais à Genève, et alors ils voulaient absolument que je donne une vraie réponse, n’est ce pas, alors ils avaient demandé d’où était mon père, et ce qu’il faisait, et Père il parait qu’il n’avait jamais quitté le pays, et on a rendu la réponse laboureur parce qu’il travaillait à la terre.
Marcelle : Oh c’est pas mal, laboureur ! C’est pas horloger ça !
Tante Marguerite : Mon Grand-père.
Marcelle : Ah ton Grand-père, laboureur ! Ah au Mont Saxonnex !
Tante Marguerite : Oui il s’occupait de la terre, alors j’ai déchiré.
Marcelle : Pourquoi t’as déchiré ?
Tante Marguerite : Parce que toutes ces choses là, on en avait plus besoin.
Marcelle : Ah c’est dommage, c’est dommage parce que ce sont des témoins si tu veux.
Tante Marguerite : Oui mais pour maintenant, mais autrement…
Marcelle : Moi je garde tout, t’as rien comme papiers ?
Tante Marguerite : J’ai débarrassé.
Marcelle : Mais enfin il y a des choses intéressantes que les descendants…
Tante Marguerite : Oui pour la suite.
Marcelle : Quand je disparaîtrai au moins les petites filles auront des notes que j’ai marquées, on écrit quelque chose, au moins ils savent qu’en 85 j’ai fait ceci, j’ai fait cela, si ça les intéresse pas ils les brûleront si ils veulent mais enfin voilà ils peuvent trouver quelque chose, il me semble que c’est utile.
Entendre ma grand-mère prononcer ces paroles est très émouvant, car quand elle dit « les petites filles » elle parle de nous, ses petites filles. Que notre grand-mère se rassure, nous avons bien conservé tous les précieux documents qu’elle nous a laissés !
Mais malheureusement Tante Marguerite a donc déchiré tous les documents qu’elle avait, quel drame pour moi d’imaginer cela !
Dans les quelques minutes de suite de l’enregistrement, l’interview est finie et les deux femmes enchaînent la discussion sur la santé de Marguerite (qui décédera le mois suivant).
Ce témoignage oral est je pense l’une de mes plus belles archives familiales. Et vous ? Interviewez-vous votre famille pour garder une trace enregistrée de la mémoire orale familiale ?
bonjour Marine,
votre histoire et vos démarches me passionnent.
D’après les tests ADN que je viens de recevoir, il se pourrait que nous soyons de la même lignée.
Cependant, il y a beaucoup de zones d’ombre dans mon arbre généalogique.
Accepteriez-vous de m’aider à y voir plus clair ?
Bien cordialement,
Danièle
Bonjour Danièle,
Merci pour votre visite. Je serais ravie de vous aider, je vous contacte par email.
Bien cordialement,
Marine
C’est vrai que c’est émouvant;un enregistrement à préserver et surtout à numériser.Merci du partage!
Effectivement, ce témoignage oral est un bien précieux. Et puis, entendre la voix de quelqu’un qui n’est plus là est toujours émouvant !