Vous l’aviez vu dans un précédent article, il y a pas mal de Pierre et d’Antoine dans ma branche SOULAS. Donc rassurez-vous je ne radote pas, le Pierre SOULAS de cette semaine 20, est bien distinct du Pierre SOULAS de la semaine 19, c’est son grand-père en fait !
Le Pierre SOULAS dont je vous parle aujourd’hui a été baptisé le 5 mai 1735 à Coinces dans le Loiret, né du légitime mariage d’Antoine SOULAS et Marguerite FAUCHEUX. Pierre se marie le 18 juillet 1757 à Coinces avec Marie VINCENT. Ils ont 5 enfants de 1758 à 1765, dont un seul garçon, mon ancêtre Antoine SOULAS. Pierre décède le 11 octobre 1819 à Coinces. Je n’ai pas plus d’informations sur lui, mais je me souviens avoir vu sur un acte de mariage qu’il avait été Maire du village de Coinces. C’était au début de mes recherches et à cette époque je n’avais pas eu le réflexe de prendre en photo le précieux acte !
Faisons maintenant appel à notre imagination, pour resituer Pierre SOULAS dans une époque qu’il a vécue… celle de la Révolution Française ! Pierre est un cultivateur à Coinces près d’Orléans. La fin des années 1780 n’a pas été bonne pour les cultivateurs, et en ce dimanche 13 juillet 1788 c’est le drame quand un terrible orage s’abat sur la Beauce et détruit en quelques heures les récoltes. Dans les mois qui suivent, des émeutes éclatent dans de nombreuses villes à cause du prix élevé du pain et du risque de famine.
Un petit état des lieux du Royaume de France en 1788 : la société est divisée en trois ordres, la noblesse, le clergé et le tiers état (ce dernier représentant 97% de la population). Il existe de fortes différences de privilèges et d’impôts, entre et même au sein de ces ordres (notamment entre bourgeois et paysans au sein du tiers état). Bref, la politique en France n’est pas unifiée et la société est stagnante.
Pour résoudre la crise financière due aux dettes du Royaume, Louis XVI convoque le 8 août 1788 les trois ordres à une assemblée extraordinaire, les Etats généraux. Cette convocation souffle une vague d’espoir chez le tiers état qui espère que cette assemblée sera le point d’entrée pour une réforme sociale (les derniers Etat généraux dataient de 1614… c’est pour dire si cela était exceptionnel).
Les Etats généraux sont prévus pour le 5 mai 1789. Auparavant, en janvier, chaque ordre élit ses représentants : environ 1000 députés dont plus de la moitié pour le tiers état. A la campagne, il est élu deux députés par 100 feux (foyers) et au-dessous, et trois au-dessus de 200 feux. Le village de Coinces comporte 150 feux, donc deux députés sont élus : Louis FAUCHEUX et Léonard LUSSERAU.
Le 1er mars, Pierre, en tant que syndic de la municipalité de Coinces, se rend dans la salle municipale de Saint-Péravy-la-Colombe pour une assemblée exceptionnelle sous la présidence de Simon POIGNARD, notaire royal au bailliage d’Orléans. Pierre est accompagné d’une poignée d’autres habitants de Coinces, notamment Pierre MULLARD dont le fils Antoine s’est marié avec sa fille Aimable en 1784, et de Jacques FAVELLE dont le fils Jacques a aussi épousé sa fille Marie Françoise en 1782, et dont la fille Marie Louise a épousé son fils Antoine en novembre dernier.
L’assemblée aboutit à la réaction d’un cahier de doléances pour la commune de Coinces du bailliage d’Orléans, dans lequel les représentants des habitants du village de Coinces proposent une liste de réformes nécessaires, et réclament notamment la suppression de la gabelle, de la dîme ecclésiastique, et une meilleure répartition des impôts… Ces demandes sont à peu près les mêmes dans chaque village, des modèles de cahiers ayant été diffusés en amont. Les députés doivent ensuite aller se réunir à Orléans pour compiler les cahiers de doléances en un seul et désigner certains d’entre eux qui voteront enfin pour les députés qui se rendent aux Etats généraux.
La suite dépasse le petit village de Coinces. Les Etats généraux s’enchaînent sur la création, le 27 juin 1789, d’une Assemblée nationale constituante qui marque le début de la Révolution. Tout juste un an et un jour après le terrible orage qui a détruit les récoltes, la Bastille est prise, puis tout va très vite, les privilèges sont abolis, une assemblée est créée qui va lancer une série de réformes (création des départements, suppression de la dîme…). En 1792, le département d’Orléans vendit les biens de l’Eglise, dans la campagne, certains cultivateurs purent enfin racheter la terre qu’ils exploitaient.
Mais en 1792, vient aussi la guerre contre l’Autriche, et avec elle les réquisitions d’hommes et de blé, dont le prix avait triplé en deux ans. Des commissaires venus de Paris, de l’armée et d’Orléans vinrent faire en masse des réquisitions de blé, ce qui provoqua un mécontentement des cultivateurs. Pour ruser, les municipalités délivraient l’ordre de réquisition par écrit, et les cultivateurs disaient qu’ils ne savaient pas lire !
Voici à ce sujet mon anecdote phare sur Pierre SOULAS, issue du Cahier de doléances du bailliage d’Orléans et que je vous retranscris littéralement :
Procès verbal de la municipalité de Coinces (6 novembre 1793)
Le 4, les commissaires du département l’avaient requise de livrer, la semaine suivante, 448 mines de blé, et de faire à cet effet, des visites domiciliaires. Pierre Soulas, ancien maire, s’est trouvé avoir 24 ou 25 mines battues, il n’avait que deux personnes à nourrir. Il accepta de livrer 10 mines. Mais il refusa de les livrer quand la voiture vint les prendre et le lendemain, s’obstina « disant que nous n’avions pas le droit d’exiger du blé de fui et des autres particuliers ». Il se forma un rassemblement « comme pour nous faire front, nous disant que quand ils verraient les commissaires de la force armée, ils leur parleraient ».
Les archives ne m’ont pas encore révélé ce qu’il était advenu de Pierre SOULAS après cet événement. Je ne saisis d’ailleurs pas tout le sens de ce texte. La dernière citation est-elle une déclaration de Pierre pour le procès verbal où il dit qu’on l’a menacé d’user la force pour réquisitionner le blé ? Une visite aux Archives pour retrouver l’original du procès verbal s’avère nécessaire !
Pour conclure, Pierre ne mérite peut-être pas le titre de « révolutionnaire« , comme on se l’imagine le pic à la main et portant le bonnet phrygien, mais j’aime à penser qu’il n’a pas eu peur de faire entendre sa voix pour lutter contre les injustices, en tant que maire et lors de son « coup de gueule » de 1793.
Sources :
– Pour les événements historiques racontés dans cet article : Patay au cours des siècles par l’Abbé Michel Gand, très intéressant pour mieux se faire une idée de l’histoire d’un village de campagne
– Pour aller plus loin sur la Révolution Française : http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_fran%C3%A7aise
– Pour le fonctionnement des Etats Généraux :
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A8glement_des_%C3%89tats_g%C3%A9n%C3%A9raux_de_1789
– Pour l’épisode à l’assemblée du 1er mars 1789 et la rébellion de Pierre SOULAS : Cahiers de doléances du bailliage d’Orléans pour les États généraux de 1789 par Camille Bloch, disponible sur
https://archive.org/details/dpartementdulo01blocuoft
Bonjour Marine,
Je suis l’un des destinataires de votre mail régulier.
Je pense descendre en ligne droite « patriarcale » (de père en fils) du Louis Faucheux qui a été élu député du petit village de Coinces de 150 feux en 1789.
J’aimerai aller plus loin dans mes recherches sur cet homme et son environnement, auriez vous des conseils à me donner? Ou se trouvent les archives concernant Coinces durant la révolution ?
Bien cordialement,
Pascal Faucheux